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Proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant : vers une reconnaissance du droit des pères

L’Institut National des Etudes Démographiques a publié ce chiffre édifiant : en France, un enfant de parents séparés sur cinq ne voit jamais son père.

Face à ce constat alarmant, les députés ont déposé une proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant devant l’Assemblée Nationale le 1er avril 2014.

Si cette proposition a pour principale innovation la création d’un « mandat d’éducation quotidienne » permettant au beau-parent d’accomplir des actes de la vie quotidienne, elle s’intéresse également aux droits du père.

En cherchant le maintien de relations équilibrées et régulières de l’enfant avec chacun de ses parents, cette proposition affiche explicitement la volonté de préserver des liens père-enfant.

La loi du 4 mars 2002 qui visait à consacrer l’exercice conjoint de l’autorité parentale ayant sans nul doute manqué son effet, les députés ont cette fois prévu des mesures plus fortes.

En effet, la résidence habituelle de l’enfant chez l’un de ses parents exclut, de facto, l’autre parent l’exercice à part entière de l’autorité parentale et limite son rôle éducatif.

Or, lorsqu’un couple se sépare, seuls les parents se séparent. Les enfants n’ont pas à être séparés de leurs parents.

– L’égalité de droits et de devoirs entre les parents

            S’il existe un principe théorique d’égalité des droits et des devoirs des parents envers leurs enfants, il ressort des décisions quotidiennes prises par les Juges aux Affaires Familiales que le père a davantage de difficultés à exercer ses droits.

Toutefois, il convient de souligner que si certains pères revendiquent la possibilité de passer plus de temps avec leurs enfants et d’être plus impliqués dans l’exercice de l’autorité parentale, beaucoup ne sollicitent pas, devant le JAF, la fixation de la résidence habituelle des enfants à leur domicile ou encore la résidence alternée.

– Le rappel du partage de l’autorité parentale

            Si l’article 372 du Code civil prévoit que « les père et mère exercent en commun l’autorité parentale », l’article 373-2 précise dans son premier alinéa que « la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale ».

En outre, le second alinéa insiste sur le maintien des relations personnelles de l’enfant avec ses deux parents et sur le fait que chacun d’eux doit respecter le lien de l’enfant avec l’autre parent.

L’autorité parentale s’entend comme l’ensemble de droits et de devoirs qu’ont les parents envers leur enfant mineur.

Au-delà de l’aspect matériel d’entretien (nourriture, vêtements, soins médicaux), les parents séparés doivent tous les deux s’entendre sur l’éducation de leur enfant, sa sécurité, son orientation scolaire,  ses fréquentations ou encore son éducation religieuse.

Le projet de loi prévoit, à cet égard, l’impossibilité pour un parent d’agir seul à l’insu de l’autre et notamment pour les actes les plus importants pour lesquels l’accord express de l’autre parent sera exigé.

Le changement d’établissement scolaire ou de la résidence de l’enfant devra ainsi requérir l’accord des deux parents.

Le changement de résidence est en effet susceptible de modifier les modalités d’accueil de l’enfant par l’autre parent.

Si cette exigence d’un accord de l’autre parent pour le déménagement de son ex-conjoint semble entraver la liberté de mouvement des parents séparés, elle vise surtout à éviter qu’un parent puisse déménager trop loin en rendant difficile le maintien du lien de l’enfant avec l’autre parent.

En tout état de cause, pour que l’autorité parentale soit effectivement partagée entre les parents, il faut que les modalités de son exercice le permettent.

– La double résidence comme principe

A l’heure actuelle, la loi propose deux solutions de résidence lorsque les parents se séparent :

  • la résidence alternée entre les domiciles des deux parents,
  • la résidence habituelle chez l’un des parents avec l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement pour l’autre.

S’il est à noter que l’article 373-2-9 du code civil pose déjà la résidence alternée comme modalité prioritaire de fixation de la résidence de l’enfant, la résidence alternée représente à peine 20% des décisions prononcées (avec l’accord des deux parents dans la grande majorité des cas).

La proposition de loi prévoit comme principe la fixation de la résidence de l’enfant au domicile de chacun de ses parents et la suppression du terme « droit de visite et d’hébergement ».

La double résidence restera néanmoins purement symbolique puisqu’aucune précision n’est apportée quant au temps passé par les enfants au domicile de l’un ou l’autre des parents.

L’éloignement des lieux d’habitation des parents, l’emploi du temps professionnel des parents ou encore l’avis des enfants pourraient par exemple empêcher la mise en place d’une résidence alternée.

Le désaccord entre les deux parents apparaît comme un réel obstacle pour la mise en place d’une résidence alternée.

Les députés ont pour ambition de mettre les parents d’accord sur leur « temps d’accueil » en les incitant notamment à recourir à la médiation.

La médiation aura pour but de faire la promotion de la résidence alternée en invitant les parents à mettre l’intérêt de leurs enfants au cœur de leurs querelles.

Une réelle égalité homme-femme semble en effet nécessaire pour que chacun puisse jouer pleinement son rôle de parent.

Si le lien maternel est souvent difficile a relâché, il semblerait que la séparation de l’enfant avec son père soit tout aussi pénible que la séparation avec sa mère.

En ce qui concerne les très jeunes enfants, les avis divergent sur la question de la résidence alternée.

Pour autant, la plupart des experts s’accordent pour dire que l’enfant de moins de trois ans ne doit pas être séparé trop longtemps de ses parents sous peine de développement d’un trouble de l’attachement.

Cette proposition de loi ne répond vraisemblablement pas aux revendications des pères qui souhaitent exercer leurs droits au même titre que les mères.

– La mise en place d’amendes civiles

            Afin d’éviter qu’un parent puisse porter atteinte aux prérogatives de l’autres, la proposition de loi prévoit la mise en place d’amendes civiles.

Ces amendes ont pour vocation de dissuader les parents d’empêcher l’autre d’exercer ses droits sur l’enfant.

Ainsi, le délit de non-représentation d’enfant qui consiste à ne pas remettre l’enfant à l’autre parent après l’exercice de son droit de garde et qui constitue aujourd’hui un délit devrait être contraventionnalisé lors de la première infraction.

Si la contraventionnalisation de ce délit semble vouloir diminuer la gravité de la non-représentation d’enfant, il n’en est rien en pratique.

En effet, ce délit fait trop souvent l’objet d’un classement sans suite de sorte que la mise en place d’amendes civiles permettra d’agir plus efficacement.

Enfin, une dernière mesure vient prévoir la mention du droit et des devoirs des parents dans le livret de famille.

Publié sur village de la justice le 12 mai 2014

http://www.village-justice.com/articles/Proposition-loi-relative-autorite,16852.html