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Remise en cause de la résidence alternée


Selon la loi n°2002-305 du 4 mars 2002,  les parents divorcés ou séparés peuvent choisir de fixer la résidence de leurs enfants de façon alternée au domicile de chacun.

Ce principe a été confirmé par la loi du 9 juillet 2010 (n°2010-769).

C’est le Juge aux affaires familiales qui est compétent pour statuer sur la garde des enfants lors d’une procédure de divorce ou de séparation de concubins. Les parties doivent, en conséquence, organiser la vie de l’enfant conformément au jugement rendu.

Si une résidence alternée a été mise en place à l’amiable ou fixée judiciairement, elle peut toujours être remise en cause si la survenance d’un élément nouveau le justifie.

Comment peut-on remettre en cause un tel mode de garde, et passer à une résidence principale chez l’un ou l’autre des parents ?

Quels sont les critères appréciés par le Juge pour justifier un tel changement ?

Dans un premier temps, le Juge peut à nouveau être saisi pour statuer sur une demande de modification du mode de garde initialement adopté compte tenu d’un ou de plusieurs changements de situation.

Le Juge aux affaires familiales appréciera la demande de changement de résidence selon l’intérêt de l’enfant uniquement.

Il est important de souligner que la fixation de la résidence de l’enfant chez l’un des parents ne retire pas à l’autre l’autorité parentale dont il est titulaire.

Modification des mesures de résidence alternée :

Afin de justifier un changement de mode de résidence, il faut bien évidemment produire un élément nouveau de nature à modifier la décision du premier juge ou l’accord amiable des parents.

Il faut tout d’abord prouver que la résidence alternée ne peut plus continuer de la sorte ;  par exemple :


• soit l’un des parents déménage suffisamment loin pour qu’elle ne soit plus applicable telle que prévue ;
• soit l’enfant ne supporte pas cette organisation de son quotidien.

ATTENTION : une simple « impression » ne suffit pas à dire que l’enfant supporte mal la résidence alternée, il faut des preuves (souvent médicales) pour appuyer ces dires.

Dans ce cas, le parent qui le souhaite saisit le Juge aux affaires familiales et demande à ce que la résidence des enfants soit fixée chez l’un des parents, l’autre ayant seulement un droit de visite et d’hébergement.

Eléments nouveaux susceptibles d’être pris en compte par le Juge :

– déménagement ou mutation professionnelle

Il est à noter que dans l’hypothèse d’un déménagement, les parents doivent s’informer mutuellement et en temps utile, car il se peut que celui-ci modifie les conditions d’exercice de l’autorité parentale.

C’est la partie la plus diligente qui saisit le juge compétent pour déterminer, en fonction de l’intérêt de l’enfant, les nouvelles modalités de résidence et de l’hébergement (article 373-2 du code civil).

Il est à souligner que sur le plan pénal et à défaut de notification du changement d’adresse dans le délai d’un mois, le parent peut être poursuivi sur la base de l’article 227-6 du code pénal (ce délit est puni de six mois d’emprisonnement et de 7500 € d’amende).

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– intérêt de l’enfant

Si l’enfant peut demander à être entendu par le Juge (et alors ce dernier n’a pas d’autre choix que de l’entendre dans son cabinet), il arrive très souvent que le magistrat prenne sa décision sans même avoir vu le ou les enfants concernés.

Pour autant, le principe qui guide le magistrat est bien l’intérêt de l’enfant, principe qu’il examine à travers plusieurs critères que l’on peut résumer ainsi : l’âge et la maturité de l’enfant, l’entente entre les parents, la distance entre les domiciles de chaque parent et les caractéristiques matérielles de l’accueil de l’enfant (confort des domiciles, disponibilité des parents…).

Ces critères sont examinés en détail dans le cadre d’un divorce conflictuel.

Bien évidemment, l’appréciation de ces éléments, dont l’application ne peut pas être mathématiquement rigoureuse, varie d’un magistrat à un autre…

– l’entente entre les parents

Bien sûr, si les parents sont devant un Juge aux Affaires Familiales, c’est qu’ils ne s’entendent plus sur l’organisation du quotidien de leur enfant. Pour autant, ils doivent pouvoir réussir à mettre de côté leurs griefs personnels pour pouvoir continuer à échanger au sujet des enfants.

S’il est de plus en plus difficile pour les parents de communiquer, la résidence alternée peut en pâtir. Il n’est pas possible que les parents soient dans l’impossibilité de s’adresser la parole calmement.

Cependant, avant de changer complètement le mode de résidence de l’enfant, le Juge pourra avant tout ordonner une médiation familiale pour faciliter cette communication.

A titre d’exemple, voici une décision de la Cour d’appel de Limoges du 25 août 2014 pour apprécier les critères qui ont amené le Juge à ne pas retenir la résidence alternée (CA Limoges, 25 août 2014, 13/01255).


Dans les faits, les parents avaient mis en place une résidence alternée à l’amiable.


Le père a alors saisi le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Limoges pour voir fixer la résidence de l’enfant de manière alternée et donc acter la décision prise à l’amiable.

La mère s’est opposée à cette demande, sollicitant que la résidence de l’enfant soit fixée à son domicile en accordant au père un droit de visite et d’hébergement classique.


Le Juge a fixé la résidence chez la mère en se fondant notamment sur :

– le jeune âge de l’enfant (3 ans et demi),

– sa fragilité psychologique,

– l’éloignement des domiciles parentaux, ainsi que sur les relations conflictuelles des parents.

 
Le père a alors fait appel de cette décision.

Il a affirmé que la distance séparant les domiciles des parents n’était que de 24 km, que l’enfant pouvait être scolarisé dans une école à mi-chemin, que ses horaires de travail de 10 h à 15 h lui permettaient de prendre en charge l’enfant dans de bonnes conditions et que l’enfant présentait des problèmes psychologiques avant la mise en place de la résidence alternée, problèmes auxquels la résidence fixée chez la mère, n’avait pas remédié.



L’enfant, âgé de cinq ans lorsque l’affaire a été jugée par la Cour d’appel, rencontrait en effet des problèmes de comportement nécessitant un suivi par un pédopsychiatre.

Ce dernier a conclut que les troubles de l’enfant étaient liés à une grosse anxiété, et a insisté sur l’importance de la stabilité familiale, les changements de situation devant être préparés et régulés.


La Cour a rappelé que si la résidence alternée est de nature à satisfaire idéalement les parents, elle doit être néanmoins, mise en place en fonction du seul intérêt bien compris de l’enfant.

 
Deux compte-rendu de l’équipe éducative ont démontré que l’enfant, qui résidait chez sa mère depuis la décision de première instance, avait fait beaucoup de progrès ; qu’en outre, l’enfant, âgé seulement de cinq ans, avait besoin de maternage et était très attaché à sa mère avec laquelle, il vivait désormais depuis plus d’une année.

Ainsi, la Cour d’appel a maintenu la résidence de l’enfant chez la mère à titre habituel et est donc revenue sur la résidence alternée.


Par conséquent, il est important, lorsque l’on présente une telle demande de modification devant le Juge aux Affaires Familiales, de prendre en compte tous les critères attachés à l’intérêt de l’enfant afin que le magistrat réalise qu’il s’agit de la meilleure solution pour l’enfant.

Publié le 23 février 2015 sur village de la justice

http://www.village-justice.com/articles/comment-remettre-cause-residence,18993.html