Changer de nom
« Mon nom est trop ridicule, je n’en peux plus, c’est décidé : je veux en changer ! »
S’il est aisé dans certains pays de changer de nom, cela n’est pas le cas en France.
En effet, le principe d’immutabilité du nom inscrit dans le droit français s’oppose à la possibilité d’en changer. Depuis la loi du 6 fructidor de l’an II, le nom que l’on doit porter est celui qui figure sur l’acte de naissance.
Or, ce principe s’oppose souvent au droit de chacun au respect de sa vie privée, dans la mesure où il s’agit d’un élément de la personnalité de chaque individu.
Ainsi, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a affirmé, dans un arrêt BURGHARTZ c/SUISSE en date du 22 février 1994 que « en tant que moyen d’identification personnelle et de rattachement à une famille, le nom d’une personne concerne la vie privée et familiale de celle-ci. Que l’Etat et la société aient intérêt à en réglementer l’usage n’y met pas obstacle, car ces aspects de droit public se concilient avec la vie privée conçue comme englobant, dans une certaine mesure, le droit pour l’individu de nouer et développer des relations avec ses semblables, y compris dans le domaine professionnel et commercial ».
Le changement de nom tombe dès lors sous les effets de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme qui proclame, entre autre, que toute personne a le droit au respect de sa vie privée et familiale.
La CEDH a d’ailleurs récemment condamné la France pour violation de l’article 8 de la CESDH dans un arrêt Henry Kismoun c/France en date du 5 décembre 2013.
Dans cette affaire, le demandeur souhaitait substituer le nom de son père à celui de sa mère, car cette dernière l’avait abandonné et son père l’avait élevé.
Or, les juridictions françaises avaient refusé ce changement de nom en considérant que le désintérêt de la mère du demandeur envers ce dernier ne conférait pas d’intérêt légitime à sa demande, ce qui a été condamné par la Cour européenne des Droits de l’Homme.
Malgré, ces tempéraments européens, la procédure de changement de nom reste très encadrée, et soumise à une stricte appréciation.
Ainsi, selon la loi française, la demande d’un changement de nom peut être effectuée par toute personne majeure et de nationalité française.
Cependant, tout comme pour changer de prénom (voir article…), la personne manifestant la volonté de changer son nom doit présenter un intérêt légitime.
- La notion d’intérêt légitime
Plusieurs hypothèses ont ainsi été reconnues par la jurisprudence comme présentant un intérêt légitime.
Il en est ainsi lorsque le nom est difficile à porter car il a une consonance ridicule ou péjorative (par exemple Bonnichon, Connart ou Lecu).
En outre, la légitimité de la demande de changement est largement reconnue aux personnes portant un nom à consonance étrangère quand ce dernier apparaît comme un frein dans l’intégration au sein de la société française (CE 21 avril 1997 décision n° 160716). Il leur est alors possible de choisir un nom à consonance française.
Par ailleurs, la survivance du nom d’un aïeul illustre apparaît aussi comme un motif légitime de changement de nom, mais il est impératif de prouver que la notoriété acquise ait été illustrée sur le plan national, ce qui est loin d’être évident (CE 24 mai 2006 décision n°280372).
L’article 61 alinéa 2 du Code civil précise par ailleurs que « La demande de changement de nom peut avoir pour objet d’éviter l’extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu’au quatrième degré. » L’extinction d’un nom apparaît dès lors comme un motif légitime pour effectuer une demande de changement de nom.
Enfin, lorsque le nom a été consacré d’un usage constant et continu, la demande de changement de nom pourra également être jugée légitime.
Le chanteur Patrick Bruel, né Benguigui a ainsi vu sa demande de changement de nom accordée (SOURCE).
- Les conditions relatives à la demande
Dans un premier temps, le demandeur devra accomplir une publicité préalable indiquant son identité et ses coordonnées ainsi que le(s) nom(s) sollicité(s) au Journal Officiel et dans un journal d’annonces légales.
Lorsque ces modalités auront été effectuées, la demande devra être portée devant le Garde des Sceaux ou devant le Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance du domicile du demandeur.
En tout état de cause, ce dernier pourra d’ailleurs être sollicité par le Garde des Sceaux, pour effectuer une enquête.
La requête du demandeur devra être motivée de façon très complète et précise, afin que les raisons du choix de changement de nom soient explicites.
- La décision du Garde des Sceaux
Deux options peuvent se présenter à la suite d’une demande de changement de nom : son acceptation ou son rejet
- L’acceptation de la demande
Si la demande de changement de nom est acceptée par le Garde des Sceaux, ce dernier signe conjointement avec le Premier Ministre un décret portant changement de nom qui est publié au Journal Officiel ; un exemplaire est adressé à l’intéressé.
Toute personne aura la possibilité de s’opposer au changement de nom dans un délai de deux mois suivant la publication du décret.
Le changement de nom prendra effet une fois de délai d’opposition expiré ou après le rejet d’une éventuelle opposition.
Une fois effectif, le changement de nom est mentionné en marge de l’état civil et doit également être publié à la conservation des hypothèques.
Il s’étend par ailleurs aux enfants du bénéficiaire âgés de moins de 13 ans.
Au-delà de l’âge de 13 ans, le consentement des enfants du bénéficiaire est requis.
- Le refus de la demande
Le refus de changement de nom doit être motivé et il est notifié à l’intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception.
Suite à ce refus, un recours gracieux pourra être effectué auprès du Garde des Sceaux dans l’hypothèse où la demande présenterait des éléments nouveaux.
La décision de rejet pourra, même en l’absence d’éléments nouveaux, être contestée devant le Tribunal administratif de Paris par le biais d’un recours pour excès de pouvoir dans un délai de deux mois après la notification.
Remarques
La demande de changement de nom est possible pour un mineur mais elle doit être effectuée conjointement par ses deux parents exerçant l’autorité parentale.
En cas de désaccord entre les deux parents, celui sollicitant le changement de nom de son enfant mineur devra demander l’autorisation du Juge des Tutelles des Mineurs avant d’effectuer la demande (SOURCE).
Il en va de même lorsque l’autorité parentale n’est exercée que par l’un des deux parents.
Il convient enfin de préciser qu’aucune demande de changement de nom n’est nécessaire suite au mariage pour que l’un des époux porte le nom de l’autre.
En effet, chaque époux a le choix entre garder son nom, utiliser le nom de son conjoint à titre d’usage ou bien accoler les deux noms (le sien et celui de son époux) dans l’ordre qu’il souhaite.
Publié sur village de la justice le 16 décembre 2013