Comment saisir une seconde fois le Juge aux Affaires Familiales ?
Lorsque toutes les voies de recours ont été épuisées et que les délais d’opposition, d’appel ou de cassation ont expiré, le jugement rendu par le Juge aux Affaires Familiales est définitif.
Toutefois, la décision rendue n’est pas irrémédiable.
Il est en effet possible, dans certaines hypothèses, de demander au JAF de statuer à nouveau lorsqu’un élément nouveau est apparu.
- Sur la résidence habituelle de l’enfant
Le choix de la résidence de l’enfant est apprécié souverainement par le Juge aux Affaires Familiales qui va s’intéresser en priorité à l’intérêt de l’enfant.
Ainsi, si la situation a changé depuis le jugement et que l’intérêt de l’enfant est en péril, il sera possible de saisir de nouveau le Juge aux Affaires Familiales.
Le magistrat va ainsi prendre en compte la stabilité de la situation personnelle de chacun des parents pour étudier les conditions de vie de l’enfant.
Les repères matériels et affectifs des enfants vont aussi être pris en considération pour statuer sur leur lieu de vie.
Le JAF étudiera les circonstances alléguées et rendra une nouvelle décision qui pourra soit maintenir les anciennes dispositions soit imposer un changement de résidence.
Bien évidemment, la principale difficulté est qu’il faut arriver à prouver en quoi l’intérêt de l’enfant est menacé par la situation actuelle.
La jurisprudence a pu, par exemple, imposer le changement de résidence d’un enfant en raison des convictions religieuses de sa mère ou encore en raison du déménagement à l’étranger du parent chez qui l’enfant avait sa résidence habituelle.
- Sur la résidence alternée
La résidence alternée est possible lorsque les domiciles des parents ne sont pas trop éloignés, dans un souci de préservation de la vie scolaire et de la stabilité du rythme de vie.
Il faut également que les parents soient tous deux en mesure d’offrir des conditions de vie et d’hébergement adaptées à l’enfant.
Lorsque tous ces éléments ne sont plus réunis, la résidence alternée devient impossible.
Il y a dès lors nécessité d’y mettre de fin et de fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un de ses parents.
A titre d’exemple, la jurisprudence a pu motiver la cessation de la résidence alternée par le déménagement de l’un des parents, l’angoisse du jeune enfant lors de la séparation avec sa mère ou encore par le besoin de stabilité d’un enfant en difficulté scolaire et présentant un mal-être comportemental.
- Sur la modification du droit de visite et d’hébergement
Une demande visant à étendre ou à restreindre le droit de visite et d’hébergement peut être faite auprès du Juge aux Affaires Familiales.
En revanche, l’article 373-2-1 alinéa 2 du Code civil dispose que « L’exercice du droit de visite et d’hébergement ne peut être refusé à l’autre parent que pour des motifs graves ».
Ainsi, un parent a pu se trouver privé de son droit de visite et d’hébergement en cas de désintérêt total du père (CA Montpellier, 17 octobre 2007), ou en cas de mise en danger de l’enfant caractérisé par un risque d’excision (CA Douai, 19 octobre 2006), ou encore en raison de pressions morales et psychologiques liées à des convictions religieuses (Cass. civ. 1ère, 24 octobre 2000).
Si le TGI de Poitiers dans un jugement du 15 novembre 1999 a analysé le droit de visite et d’hébergement comme un devoir pour le parent à qui il a été reconnu et a dès lors conclu que son non-exercice était constitutif d’une faute, le non-respect ponctuel du droit de visite et d’hébergement ne peut pas être une cause de suspension pour motifs graves.
Voir aussi l’article intitulé « Panorama sur le choix de résidence de l’enfant et le droit de visite et d’hébergement. »
- Sur l’exercice de l’autorité parentale
L’article 372 du Code civil dispose comme principe général que «les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».
Il est néanmoins possible pour le Juge aux Affaires Familiales d’écarter ce principe quand la mise en œuvre de l’autorité parentale commune s’avère impossible ou contraire aux intérêts de l’enfant mineur.
Des motifs graves empêchant un exercice en commun devront être mis en avant pour motiver la décision du magistrat.
Quelques exemples de motifs graves relevés par la jurisprudence :
- Le désintérêt manifeste et continu du parent pour l’enfant (Cass. civ. 1ère, 13 avril 2001)
- La maladie grave de l’enfant afin de permettre le bon déroulement du traitement et des soins nécessaires (CA Paris, 11 juillet 2002)
- Les mauvais traitements infligés par un parent à l’enfant (CA Rennes, 15 mai 2000)
- Les différends parentaux permanents sur les choix éducatifs (CA Bordeaux, 21 mars 2001)
- L’attitude systématiquement conflictuelle d’un parent, d’hostilité à l’égard de l’autre ou de dénigrement permanent de l’autre (CA Rouen, 19 octobre 2006)
- Le risque avéré d’enlèvement international (Cass. civ. 1ère, 17 janvier 2006)
En revanche, le simple éloignement géographique ou l’orientation sexuelle ne constituent pas en eux-mêmes un motif pour exclure l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
- Sur la pension alimentaire
En cas de modification des besoins ou des ressources du débiteur ou du créancier, il est possible de former une demande en réévaluation de la pension alimentaire.
L’article 209 du Code civil dispose ainsi que « Lorsque celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments est replacé dans un état tel, que l’un ne puisse plus en donner, ou que l’autre n’en ait plus besoin en tout ou en partie, la décharge ou la réduction peut en être demandée ».
A nouveau, la production des pièces financières prouvant ces changements de situation est fondamentale.
- Sur la prestation compensatoire
Le montant de la prestation compensatoire ne pourra pas être augmenté après le jugement de divorce, même s’il s’agissait d’une procédure amiable.
Des modifications vont néanmoins pouvoir intervenir en fonction de la forme de la prestation compensatoire :
- Hypothèse où la prestation a été fixée sous la forme d’un capital échelonné
Il est possible au débiteur de saisir le Juge aux Affaires Familiales lorsque sa situation a changé de façon importante afin que ce dernier révise le mode de paiement.
Le JAF pourra dès lors autoriser le débiteur à verser les échéances restantes du capital en une seule fois ou, de façon exceptionnelle, autoriser le débiteur à verser le capital sur une durée supérieure à huit ans.
Mais le montant en lui-même ne pourra pas être modifié.
- Hypothèse où la prestation a été fixée sous la forme d’une rente
Pour les mêmes conditions que la prestation sous forme d’un capital, c’est-à-dire lorsqu’un changement important de situation est intervenu, l’un des ex-époux pourra saisir le JAF afin que ce dernier révise le montant de la rente, la suspende ou la supprime.
Il est aussi possible de demander au JAF de convertir la rente en capital.
- Sur les dommages et intérêts
Il n’est pas possible de saisir le Juge aux Affaires Familiales pour demander une révision du montant des dommages et intérêts alloués dans le cadre d’un divorce contentieux.
L’article 266 du Code civil dispose dans son dernier alinéa que la demande de dommages et intérêts « ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce ».
Visant à réparer les conséquences graves entraînées par le divorce, il n’y a donc pas lieu de revenir sur le montant des dommages et intérêts alloués dans le cadre de la procédure de divorce après le prononcé de celui-ci.
Voir aussi l’article intitulé « Prestation compensatoire & dommages et intérêts : quelles différences ? »
Publié sur village de la justice le 11 février 2014