Comment annuler un lien de filiation ?
En France, près de 40 % des enfants naissent aujourd’hui de parents non mariés, soit environ 290 000 enfants par an. 67 % d’entre eux sont reconnus par un père, que ce soit à leur naissance ou avant.
La discrimination entre enfant légitime et naturel a été abolie en 1972. Les arguments pour contester la filiation légitime ou naturelle sont donc pratiquement les mêmes : la filiation peut être désavouée par l’intéressé ou contestée par l’enfant, la mère ou toute autre personne qui y a un intérêt, selon certaines règles.
Le 4 juillet 2005, une réforme a simplifié la contestation de la filiation. Désormais, la vérité affective est considérée comme plus importante que la vérité biologique. Cette vérité affective est désignée par l’expression « possession d’état ».
Ainsi, l’existence et la durée de la possession d’état déterminent le régime de l’action en contestation de la filiation.
Qu’est-ce-que la possession d’état ?
La possession d’état s’établit par une réunion de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté (article 311-1 du code civil). Concrètement, cela signifie que chaque personne se comporte comme enfant et parent l’un de l’autre, dans la société, au sein de la famille, dans la vie de tous les jours.
Le fait que l’enfant porte le nom de son père ou encore que l’entourage le considère comme le père sont des éléments établissant la possession d’état.
Cette possession d’état est donc une présomption permettant d’établir la filiation d’une personne sur la base de certains faits constatés par sa famille et son entourage.
Qui peut contester la filiation ?
Le père, la mère, l’enfant, le prétendu parent véritable ou même tout autre personne dans certains cas peuvent agir en contestation de la filiation.
Il est important de souligner que l’enfant ne pourra contester, en son nom propre, sa filiation qu’à partir du moment où il sera majeur. Les délais prévus commenceront à courir à partir de sa majorité.
Cette contestation est possible même si l’enfant est né dans le cadre d’un mariage et qu’il a été éduqué par le mari qui conteste sa paternité.
Combien de temps peut-on solliciter l’annulation du lien de filiation ?
Le délai pour agir varie selon les situations (articles 333 à 336 du code civil) :
- Si la filiation n’est établie que par un titre, c’est-à-dire soit par l’acte de naissance, soit par l’acte de reconnaissance de l’enfant : toute personne, qui a un intérêt, pourra agir dans un délai de 10 ans à compter de la naissance de l’enfant ou de la date de la reconnaissance ;
- Si la filiation est établie par un titre et par une possession d’état inférieure à cinq ans : l’enfant, les parents ou la personne qui se dit être père ou mère pourront agir dans les 5 ans qui suivent la fin de le possession d’état ;
- Si la filiation est établie par un titre et par une possession d’état au moins égale à 5 ans : la contestation de la filiation n’est pas possible ;
- Si la filiation est établie par un acte de notoriété (établi par un juge ou un notaire) : toute personne, qui a un intérêt, peut agir dans un délai de 10 ans à compter de la délivrance de l’acte (article 335 du code civil).
A noter : le Procureur de la République peut toujours contester un lien de filiation si ce dernier est invraisemblable ou en cas de fraude à la loi (article 336 du code civil).
Quelles sont les preuves à rapporter ?
La mère devra rapporter la preuve qu’elle n’a pas accouché de l’enfant dont elle conteste la filiation.
Le père devra prouver qu’il n’est pas le père biologique de l’enfant.
Toute autre personne qui agit en contestation de la filiation devra pour sa part rapporter la preuve de son lien biologique avec l’enfant.
La preuve de la filiation est libre (article 310-3 du code civil) et peut donc se faire par témoignages, documents administratifs, lettres, photographies, permettant d’établir une présomption sur la date de conception de l’enfant, ou sur l’existence de relations intimes durant la période de conception.
Pour contester l’existence d’un lien de filiation, il faudra alors faire la preuve que ces relations n’ont pas existé et ce, par tous moyens.
A noter : l’expertise biologique (test ADN ou analyse de sang) est la preuve ultime. Toutefois, seuls sont valables les tests ADN ordonnés par un Juge français.
L’analyse biologique, si elle est ordonnée par un Juge, peut être refusée par une des parties. Dans ce cas, le Juge pourra considérer ce refus comme un aveu de reconnaissance.
Quels sont les effets si l’action en contestation de la filiation est accueillie ?
En cas de succès de l’action, le lien de filiation est annulé de manière rétroactive et les actes de l’état civil concernés doivent être mis à jour.
Les droits et obligations qu’avait le parent dont la filiation est annulée, disparaissent. L’autorité parentale liée à la filiation disparaît également, qu’il s’agisse de son exercice ou des droits et devoirs.
L’annulation de la filiation entraîne également le changement de nom de l’enfant mineur.
Si l’enfant est majeur son consentement sera nécessaire.
Le Juge, même s’il annule un lien de filiation peut, dans l’intérêt de l’enfant, accorder à la personne qui l’élevait un droit de visite (article 337 du code civil).
Il est également possible que la personne dont la filiation a été détruite puisse obtenir le remboursement des sommes versées pour l’entretien et l’éducation de l’enfant.
Publié sur village de la justice le 28 novembre 2012