L’adoption de l’enfant de son conjoint au cœur des nouveaux modèles familiaux
Alors que le modèle familial est en constante évolution depuis plusieurs décennies et que la famille nucléaire laisse de plus en plus place à d’autres modèles familiaux tels que les familles recomposées, monoparentales ou homoparentales, le législateur a dû s’adapter.
Tandis qu’un projet de loi est en préparation quant aux droits des beaux-parents sur les enfants de leur conjoint au sein des familles recomposées, la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe est, elle, venue apporter un statut juridique aux familles homoparentales.
Cinq mois plus tard jour pour jour, le Tribunal de Grande Instance de Lille accordait ainsi, pour la première fois, l’adoption plénière de deux enfants d’une femme par son épouse.
Si la loi du 17 mai 2013 a souhaité uniformiser le droit des couples homosexuels et celui des couples hétérosexuels, des différences demeurent toujours entre ces deux derniers.
En effet, alors qu’il existe une présomption de paternité au sein des couples hétérosexuels de sorte que dans le cadre du mariage, l’époux est le père présumé de l’enfant de son épouse, aucune présomption de parentalité n’existe au sein des couples homosexuels mariés.
Pour établir une filiation entre l’époux(se) du parent et les enfants de ce(tte) dernier(e), il est nécessaire de passer par l’adoption plénière.
Selon les circonstances propres à chaque famille, l’adoption de l’enfant de son conjoint peut être simple ou plénière. Il conviendra ainsi de détailler chacune ces deux procédures prévues par les articles 343 et suivants du Code civil.
En tout état de cause, qu’elle soit simple ou plénière, l’adoption ne présente aucune automaticité puisqu’elle est accordée de façon souveraine par le Tribunal de Grande Instance.
- L’adoption plénière
L’adoption plénière de l’enfant de son conjoint n’est possible que dans le cadre du mariage et exige le consentement dudit conjoint, parent de l’adopté.
Le consentement de l’adopté sera également requis à partir de l’âge de treize ans.
A la différence d’une adoption simple, l’adoption plénière rompt tout lien de filiation entre l’enfant et son autre parent biologique.
L’adoption plénière n’est donc possible que dans l’hypothèse où l’adopté n’a pas de lien de filiation déjà établi avec un autre parent que le conjoint de l’adoptant.
Dans le cas contraire, l’adoption sera possible seulement si la déchéance de l’autorité parentale a été prononcée, si le parent est décédé sans laissé d’ascendants au premier degré (c’est-à-dire des grands-parents) ou alors si les ascendants en question se sont désintéressés de l’enfant.
Seuls les enfants de moins de quinze ans peuvent faire l’objet d’une adoption plénière.
L’âge peut toutefois être reporté à vingt ans lorsque l’enfant a été accueilli par l’adoptant avant l’âge de quinze ans ou lorsqu’une demande d’adoption simple a été formulée avant cet âge.
Dans le cas particulier de l’adoption de l’enfant du conjoint, aucun âge n’est exigé quant à l’adoptant. Ce dernier doit seulement avoir, au minimum, dix ans de plus que l’adopté.
La demande d’adoption doit s’effectuer au greffe du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance du lieu de résidence du couple.
Il est obligatoire de constituer avocat avant de déposer sa requête devant le Juge lorsque l’enfant est âgé de plus de quinze ans.
Dans le cas contraire, la requête peut être directement adressée au Procureur de la République.
Une fois l’adoption plénière accordée, elle devient irrévocable puisqu’elle substitue un nouveau lien de filiation de l’adopté avec l’adoptant.
Après le jugement accordant l’adoption, l’autorité parentale est partagée par les deux parents.
L’adoptant devient débiteur d’aliments à l’encontre de l’adopté et réciproquement.
Concernant le nom de famille de l’adopté, l’adoptant et son conjoint ont la possibilité de choisir conjointement que l’enfant portera le nom de l’un d’eux ou les deux noms.
Toutefois, il convient de noter que ce choix ne pourra s’effectuer qu’une seule fois.
En effet, les enfants d’une même fratrie devront porter le même nom de famille.
- L’adoption simple
A l’instar de l’adoption plénière, l’adoption simple de l’enfant de son conjoint n’est possible que dans le cadre du mariage.
Bénéficiant d’un régime simplifié, cette adoption simple n’est soumise qu’à une seule condition : la différence d’âge entre l’adoptant et l’adopté, qui comme pour l’adoption plénière, doit être de dix ans minimum.
Toutefois, lorsque l’enfant est mineur, le consentement des deux parents détenant l’autorité parentale devra être obtenu et constaté par acte notarié.
Lorsque l’adopté est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel devra également être requis dans les mêmes conditions.
Enfin, dans l’hypothèse où l’adopté est majeur, son seul consentement sera nécessaire.
Le ministère d’avocat est obligatoire afin de déposer une requête d’adoption devant le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance du lieu du domicile de l’adoptant.
Les conséquences de l’adoption simple sont les mêmes que celles de l’adoption plénière à une différence près : le lien de filiation n’est pas substitué mais ajouté.
Ainsi, une fois l’adoption prononcée, l’adopté devient héritier de l’adoptant sans toutefois perdre ses droits héréditaires dans sa famille d’origine.
Enfin, à la différence de l’adoption plénière, l’adoption simple n’est pas irrévocable.
En cas de motifs graves, la révocation pourra être demandée par l’adoptant après les quinze ans de l’adopté ou par l’adopté après sa majorité.
Le Ministère Public ainsi que les parents biologiques pourront également être à l’origine de cette demande.
Rappel La loi prévoit qu’un enfant adopté en adoption simple pendant sa minorité peut être adopté en adoption plénière dans les deux ans suivant sa majorité.
Publié sur village de la justice le 7 novembre 2013