La Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité : réforme en vue ?
Introduite par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, la Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité (CRPC) est aujourd’hui pointée du doigt.
Comparée au plaider coupable américain, la CRPC ouvrait jusqu’alors une nouvelle voie : la possibilité d’éviter une audience correctionnelle classique, en proposant une peine au prévenu qui reconnaissant sa responsabilité pénale dans les faits qui lui étaient reprochés (lien vers article sur la CRPC).
Alors que son efficacité dans la lutte contre l’engorgement des tribunaux est remise en question, la CRPC est également critiquée sur d’autres aspects.
Une proposition de loi a ainsi été déposée au Sénat le 2 octobre 2013 et est actuellement à l’étude devant l’Assemblée Nationale depuis le 23 janvier dernier.
Cette proposition de loi a plusieurs vocations, dont celle de :
– Limiter le champ d’application de la procédure
La procédure de CRPC est applicable à tous les délits punis d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans (sauf pour les infractions suivantes : délits de presse, politiques, homicides involontaires, violences, menaces, agressions sexuelles, atteintes involontaires à l’intégrité de la personne).
Si des exceptions existent déjà, les parlementaires estiment que la procédure de CRPC doit être réservée aux délits les moins graves ; or les délits punis d’une peine de cinq ans d’emprisonnement sont graves.
C’est le cas par exemple du vol aggravé lorsqu’il est commis en réunion (article 311-4 1° du Code pénal).
Il est donc envisagé de limiter le recours à la CRPC en prévoyant cette procédure pour des délits moins graves.
– Supprimer la disposition selon laquelle la peine proposée par le Parquet et acceptée par la personne ne peut être supérieure à un an ni excéder la moitié de la peine encourue
Le Procureur de la République peut proposer à l’accusé soit une amende soit une peine de prison.
Si le montant de l’amende ne peut être supérieur au montant maximum de l’amende encourue, en revanche, la durée de la peine ne peut être supérieure à la moitié de la peine encourue.
La perspective d’une peine réduite de moitié au minimum a pu séduire certaines personnes et les encourager à avouer les faits pour bénéficier de la CRPC.
La personne sait à quoi s’attendre en acceptant la CRPC, ce qui n’est pas le cas lorsqu’elle est convoquée devant le tribunal correctionnel où l’audience va être décisive.
La valeur probante de l’aveu est donc sérieusement remise en question.
En conséquence, la proposition de loi envisage de supprimer la limitation du quantum des peines, afin de ne plus « pousser à l’aveu » les justiciables.
– Permettre au magistrat chargé d’homologuer la proposition du Procureur de baisser la peine
A ce jour, les magistrats du siège n’ont comme rôle dans cette procédure, que d’accepter ou de refuser d’homologuer la proposition faite par le Parquet. Il ne leur est pas possible de moduler la peine.
Le projet de loi de réforme de la CRPC prévoit de donner la possibilité aux magistrats du siège d’abaisser la peine s’ils l’estiment trop sévère.
En rendant aux magistrats du siège un vrai pouvoir d’appréciation, c’est l’autorité judiciaire dévolue aux parquetiers lors de la création de cette procédure qui est remise en cause.
En effet, jusqu’alors, l’appréciation de l’opportunité des poursuites, le pouvoir de détermination de la culpabilité et de la sanction appartenaient au Parquet.
Or, le rétablissement de la séparation des autorités de poursuite et de jugement ne semble pouvoir passer que par la possibilité pour le magistrat du siège de modifier la peine.
La présence du Procureur de la République lors de l’homologation permettrait ainsi à ce dernier d’expliquer son choix de la peine au Président du Tribunal correctionnel et de palier l’opacité des débats liée à cette procédure.
Elle apparaît dès lors nécessaire lors de l’audience d’homologation … le projet de loi prévoit de la rendre obligatoire.
– Supprimer la possibilité pour le Parquet de mettre en œuvre à la fois une procédure classique de convocation devant le Tribunal correctionnel et une CRPC
L’article 495-15-1 du Code de procédure pénale créé par la loi n°2009-526 du 12 mai 2009 dispose que « La mise en œuvre de la procédure prévue par la présente section n’interdit pas au procureur de la République de procéder simultanément à une convocation en justice en application de l’article 390-1. La saisine du tribunal résultant de cette convocation en justice est caduque si la personne accepte la ou les peines proposées et que celles-ci font l’objet d’une ordonnance d’homologation ».
La possibilité donnée au Parquet d’émettre une double convocation par la voie de la citation directe et de la CRPC oriente le suspect dans ses choix.
Si la personne n’accepte pas la peine qui lui est proposée dans le cadre de la CRPC, elle sait qu’elle sera jugée par un tribunal correctionnel tout en ayant déjà avoué sa culpabilité. Ce système ne semble pas respecter la liberté de choix du justiciable.
Remarque
Il conviendra toutefois de s’interroger sur l’inégalité existant entre les justiciables selon le département dans lequel ils sont jugés.
En effet, il existe, au sein de certaines juridictions, des accords tacites qui sont passés en amont entre les magistrats du siège et ceux du parquet, par lesquels ces derniers s’accordent sur le quantum de peine applicable à tel ou tel type d’infraction.
Concrètement cela signifie donc que d’une juridiction à l’autre, les usages en matière de CRPC varient de sorte que cette procédure peut porter atteinte au principe de l’égalité devant le service public.
Pour une meilleure compréhension, voir l’article intitulé « La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».
Publié sur village de la justice le 17 février 2014